
Soyons très clairs. Ce n'est pas l'homosexualité qui accroît les risques de tentative de suicide, c'est l'homophonie, c'est-à-dire l'intolérance que rencontrent souvent les jeunes gays. L'homosexualité n'est pas un problème le silence, l'indifférence, le manque de respect et l'intolérance qui l'entourent sont les véritables problèmes que les jeunes gays ont à combattre pour survivre, que cela soit à l'école, au travail, au sein de la famille, etc.
Les facteurs déclencheurs du suicide chez les jeunes homos et les jeunes hétéros sont-ils vraiment différents ?
Oui, bien souvent. Car le jeune ado hétérosexuel qui vit des problèmes scolaires ou avec sa petite amie, par exemple, peut généralement se confier sans crainte à quelqu'un de sa famille, à l'école ou ailleurs. Chez les jeunes gays ou identifiés comme tels, un tel soutien ne va pas de soi. Au contraire, ces jeunes anticipent souvent le pire s'ils se dévoilent quelque peu à un parent, à un ami, à un professeur. Un jeune gay qui s'affirme fait nécessairement preuve d'un courage et d'une force exemplaires, car, contrairement aux adultes, il dispose de peu de ressources et de soutien.
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les « facteurs de protection » contre le suicide chez les jeunes gays ?
Ce sont des facultés personnelles (par exemple, une force de caractère hors du commun) ou encore des soutiens disponibles dans l'environnement du jeune qui lui permettent d'être moins fragile aux coups du sort. Car, je le rappelle, les jeunes gays ou « en questionnement » n'ont pas les mêmes facilités, les mêmes ressources que les adultes homosexuels ou bisexuels. Pire : la plupart des gays plus âgés sont très réticents à servir de conseillers à leurs cadets - ils ne veulent pas être taxés de pédophilie ! Or, les jeunes gays constituent l'un des rares groupes dits minoritaires et ostracisés à ne pas pouvoir compter sur leurs aînés, profiter de l'expérience sociale de ces derniers et, ainsi, apprendre comment régler certains problèmes qui se présentent.
Pensez-vous que les conclusions de cette étude peuvent également s'appliquer à la France ?
J'en suis certain, la situation en France n'est pas plus reluisante qu'au Québec. Si les adultes gays commencent à obtenir des droits - de haute lutte, il faut le préciser -, les jeunes profitent encore peu de ces acquis. Qui va intervenir, par exemple, pour protéger le jeune qui se fait insulter tous les jours à l'école, voire malmener physiquement, et que l'on le traite de « sale pédé » ?
L'étude est très sévère vis-à-vis de l'école. Comment cette dernière est-elle devenue ce lieu d'« apprentissage du mépris » que vous décrivez ?
En ne parlant que très peu de sexualité - ou en en parlant seulement pour mettre les jeunes en garde contre ses dangers ou ses dérives - et encore moins d'homosexualité ou de bisexualité bien souvent évoquées de façon négative. Bref, les jeunes reçoivent le message que ce n'est pas légitime, que c'est tabou, que ce n'est pas quelque chose qui est digne d'être abordé à l'école. Et tous les jeunes, aussi bien ceux qui seront gay, lesbiennes ou bisexuels que ceux qui deviendront homophobes, souffrent de ce silence, de ces omissions, de cette indifférence,dans le meilleur des cas, face à une partie pourtant importante de la population – une étude dans la région où je demeure, au Québec, a montré que plus de 10 % des jeunes entre 14 et 17 ans ont eu des rapports homosexuels ; la moitié d'entre eux se disent homosexuel(le)s ou bisexuel(le)s. Or, actuellement, un certain nombre d'entre eux se voient comme des monstres parce qu'ils n'ont guère de repères, de modèles.
Comment prévenir le suicide des jeunes gays, notamment au sein de l'école ?
D'abord, il faut parler de l'homosexualité comme d'une possibilité légitime sur les plans amoureux et sexuel. Par exemple, avoir un langage inclusif : ne pas prendre pour acquis que tous les garçons aiment les filles et que toutes les filles sont attirées par les garçons. L'homophobie n'a pas plus sa place à l'école que le racisme ou le sexisme, par exemple. Il faut sortir les discours et les actes homophobes des écoles. Pour en arriver là, évidemment, il faut travailler avec les personnels scolaires, surtout les directions et les profs, mais aussi les parents. Quant à ceux ou celles qui croient que parler d'homosexualité, c'est l'encourager, ils lui font beaucoup d'honneur en croyant que cette préférence est tellement supérieure aux autres qu'il suffit d'en entendre parler pour l'adopter ! Joël Métreau.
Mort ou fif. La face cachée du suicide chez les garçons,
Michel Dorais
Nous signalons la publication aux éditions H & O
de l'ouvrage "Homosexualités et suicide, de J.M FIRDION et E.VERDIER
Têtu mai 2001.
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